madame Bibi et le Butor
Madame Bibi est ce jour-là devant son dictionnaire, les joues rouges d’indignation. Elle contemple d’un air vague le mot « butor » qu’elle a cherché et l’illustration qui l’accompagne. Comment, se dit-elle un si joli oiseau pouvait –il bien désigner par la même occasion un être aussi malpoli et balourd ?
Elle commence à lire l’explication et la raison lui apparaît d’un seul coup :
« oiseau d’Amérique qui se fait remarquer par son cri très particulier qu’il répète plusieurs fois qui correspond à ceci :« oum-pak-lounk ».
Elle se dit que décidément le cri de cet animal évoque bien la bêtise qu’elle a entendu ce matin à la boulangerie .Il s’agit pourtant d’un si joli petit animal et discret en plus, elle en a presque honte pour lui.
Elle continue sa lecture : cet animal ne se perche jamais dans les arbres. Evidement vu comme çà le Butor humain ressemble un peu plus au portrait. Celui de ce matin ne brillait pas par son originalité c’est évident, quand on claironne des propos machos c’est souvent que l’on ne réfléchit pas beaucoup. Car si le personnage entendait les mêmes propos sur sa mère vous le verriez bondir comme brulé par une décharge de chevrotine. Madame Bibi sourit et continue de lire.
« Cet animal se tient immobile le bec en l’air, et va même jusqu’à osciller du cou au même rythme que les plantes environnantes »Effectivement la portée intellectuelle dudit butor, ne devait pas dépasser ce niveau-là : au ras des pâquerettes pour être précise.
« Généralement si on s’approche trop il fuit avec un bruit ressemblant à un KOK KOK KOK » le sourire de madame Bibi s’élargit encore plus au souvenir de la réaction du butor humain Lorsqu’elle avait décidé d’intervenir et de donner son opinion par des propos bien sentis. Elle avait vu le Butor Humain se dresser sur ses ergots, bouche pincée, cou tendu et regard paniqué, tentant désespérément de lâcher quelques KOK ou bégaiements indignés.
Ce personnage était tellement sur de son bon droit qu’il en était ridicule.
« L’oiseau vit dans les marais ou près des ruisseaux. »Tiens donc ! se dit-elle, même à ce sujet les propos du butor s’adaptaient parfaitement à la situation. Décidément Madame Bibi se sentait totalement dans son bon droit : cet individu ne méritait pas d’autre qualificatif. La traiter, elle, de virago ! Cela dépassait l’entendement ! Tiens ! Par curiosité si elle regardait virago dans le dictionnaire ? Aussitôt dit aussitôt fait. Madame Bibi en a encore le rouge aux joues.
Virago : « Péjoratif, femme ayant les allures et les attitudes d’un homme »Madame Bibi n’en croit pas ses yeux, dire qu’elle imaginait quelque chose de plus violent, plus méchant.
Telle était certainement l’intention du bonhomme, mais la définition sommes toute n’était pas si insultante .Alors, madame Bibi se met à réfléchir. Après tout depuis la libération de la femme le terme de virago, s’il est désobligeant et à forte connotation péjorative, avait perdu de sa virulence .Alors elle réfléchit longtemps, longtemps et se met à écrire sur une petite carte de visite :
Cher monsieur,
Suite à notre petite conversation un peu vive de ce matin, je tiens à vous faire mes plus plates excuses .En effet : si le butor est un oiseau au comportement plus que ridicule et routinier, je ne peux imaginer que ses manières évolueront un jour, ce qui je l’espère de tout cœur pour vous n’est pas votre cas. Par ailleurs, l’évolution des moeurs et les relations hommes-femmes ont tellement évoluées que je ne puis prendre ombrage de vos propos, bien que l’intention ait été manifestement insultante.
Aussi, au regard de ces deux éléments je vous pardonne royalement, votre inconduite et vos propos.
Votre très masculine (ha, ha, ha, ha !!!) madame Bibi
P.s.: Pour votre culture personnelle vous trouverez ci-joint la definition de ses deux mots
Madame Bibi soupire d’aise. Qu’est-ce que cela faisait du bien d’être magnanime ? Oh il faudrait qu’elle regarde ce mot dans le dictionnaire….